Anastasia: débuts en CAA

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CAA

Novembre 2022, Anastasia a 21 mois, et l’annonce diagnostique vient chambouler nos vies.

On passe des heures sur internet à chercher des aides, des solutions. Quand, au gré de nos heures de
recherche sur internet, on tombe sur le site d’Allegretto, c’est un immense espoir qui renaît. On
entre en contact avec des familles formidables, et grâce à aux nous avons le sentiment de
« retrouver » notre fille. Ils nous expliquent qu’elle nous comprend, que son intelligence est
préservée et qu’elle pourra apprendre à lire et à écrire. Pour nous, c’est une joie immense dans cette
période difficile de savoir qu’Anastasia est toujours « là », mais empêchée par son corps de parler
avec nous.


Ils nous montrent leurs outils de communication et on commande immédiatement une tablette
Windows avec une commande oculaire, ainsi que le logiciel Grid 3. Son orthophoniste nous dit que
c’est trop compliqué, qu’elle n’y arrivera pas. 


Dès janvier, Anastasia découvre sa tablette. On commence avec une grille de 12 mots, pendant les
repas. Après quelques jours de tâtonnements, les premiers mots arrivent : « arrête », « encore »,
« eau ». Elle commence ses premières blagues, demande un « plat » au moment du petit déjeuner.
Elle mangera donc ses légumes à 7h, en rigolant pendant tout le repas. 


Très vite, on passe à une grille de 30 cases. Elle explore. Sa première phrase « papa téléphone ».
Deux jours plus tard, un grand bruit dans la maison, « peur » nous dit-elle.  
Elle exprime ses émotions, « fâchée », « tu arrêtes ça maintenant », « méchant » dit-elle en séance
de kiné. Elle demande de la musique, très souvent. Nous qui n’avions pas pour habitude d’en
écouter, notre maison résonne du soir au matin des chansons choisies par Anastasia (« Libérée,
délivrée » …) 


Elle sollicite son frère et sa sœur en les appelant par leurs prénoms ! Et les premiers « je t’aime » … 
Anastasia a alors deux ans et elle nous épate tous les jours. Bien sûr, elle passe de longs moments à
parcourir ses grilles, à dire pleins de mots à la suite sans chercher à communiquer mais plutôt à les
apprendre. Elle peut à un autre moment, les dire à nouveau de manière tout à fait appropriée à la
situation. 


Elle continue les blagues aussi, « bonne nuit » dès le matin et souriant avec son air malicieux.  
En septembre 2023, on décide suite aux conseils d’une professionnelle en visio de passer à une grille
de 50 cases.  
 
Anastasia communique aussi avec les autres enfants, amis de son frère et sa sœur. Les enfants
acceptent si facilement les explications : l’ordinateur c’est sa voix, quand tu l’entends c’est
qu’Anastasia parle. Elle leur pose pleins de questions « c’est quand ton anniversaire ? », « c’est quoi
ta musique préférée ». Ils lui répondent si naturellement, et quand elle se répète trop « mais
Anastasia, je te l’ai déjà dit ! ». 


Elle répond à leur blague aussi « qu’est-ce qui court et qui se jette ? », « une courgette » réponds-elle
(aidée car je l’ai mise sur la page des légumes). « Waouh t’es trop forte Anastasia, comment t’as fait
? », ça y est : elle est incluse dans la conversation ! 


« J’ai mal quelque part » peut-elle nous dire quand elle pleure, « gorge » : confirmation chez le
pédiatre, c’était bien une angine. 

Elle peut répondre à son frère que la médaille qu’il vient de gagner est « pourrie », et qu’il est « un
peu coquin » quand il la pousse tout le temps. Elle peut me dire que le jouet que je lui ai offert est
« bête, nul ». Quand elle s’énerve trop, elle ne veut même plus utiliser sa tablette, mais le fait de
l’avoir nous évite bien des crises j’en suis convaincue. 


Elle a trois ans, elle a encore beaucoup de progrès à faire pour exprimer toutes les pensées qui
traverse sa petite tête mais qu’elle joie d’avoir cet outil pour communiquer ! 
La MDPH a financé une partie du dispositif Tobii I13 qu’elle utilise maintenant.  
 
On essaye d’avoir le plus souvent possible sa tablette à portée de ses yeux pour qu’elle puisse parler.
Anastasia joue parfois sur un tapis au sol, elle a sa tablette avec elle. Elle m’interpelle parfois à
travers la pièce « j’ai faim ».  
Pendant tous les repas, elle a sa tablette devant elle. 
Elle a une planche avec oui et non de chaque côté, toujours près de nous pour lui poser des
questions et la faire participer à la conversation.  
 
La tablette lui permet aussi de faire des jeux de société avec nous, elle apprend encore les règles
petit à petit mais elle apprécie. On transporte la tablette chez les amis, au restaurant.


En septembre, elle est entrée en petite section de maternelle à temps partiel. Elle y est accompagnée
par une éducatrice spécialisée qui lui permet d’utiliser sa tablette. Elle est ravie d’aller à l’école.


L’anecdote que je préfère est la suivante : un petit garçon de 3 ans, qui connaît Anastasia depuis
quelques semaines seulement, la voyant sans sa tablette (en train de faire de la peinture) qui
interpelle les adultes « mais elle n’a pas sa tablette Anastasia, comment elle va faire si elle veut dire
quelque chose ?! »


Prenons exemple sur ce petit garçon et donnons à toutes les personnes atteintes du syndrome de
Rett le pouvoir de communiquer !